Grog, ou quand la poésie vous soule
Pascal Apollon est poète, slameur et diseur. Il s’investit très tôt dans l’écriture, et nous a déjà livré deux publications : J’aurai peut-être dix huit ans et Tche wòb Valantin. Ce mois, il publie Grog, chez Z4 Editions en France. Pour cette occasion, Haïtinéraire a tenu à le rencontrer pour lui poser quelques questions. Sans se faire prier, il nous a livré les clés de son œuvre que nous voulons partager avec nos lecteurs.
Haïtinéraire : Parlez-nous de Grog.
Apollon : Grog est ma troisième publication, c’est de la poésie. J’ai écrit Grog avec un rapport au vécu (pas nécessairement le mien), j’y ai peint des aspects de la désolation, de la tristesse.
Grog, c’est une quête du sens de la vie, de la place de l’homme dans l’univers. Vous savez, il y a cette catégorie que j’appelle les invisibles : les sans-noms, les sans-voix, ceux sans statut social. Ils sont invisibles en contraste avec les privilégiés. Voyez-vous, les riches emplissent l’espace car on remarque leur présence inévitablement. Tandis que les pauvres s’effacent car on ne les voit pas, on ignore leur existence. Cela me dérange tellement que je dis merde à la vie, c’est-à-dire que j’en arrive à mépriser les normes sociales. Pourquoi je suis là dans tout ça ? Si j’avais le choix, je ne viendrais pas, j’enverrais des étoiles…
Grog, c’est la vie autrement, une vie dans la peau des autres, dans la peau des invisibles.
Le sous-titre de Grog est l’isolement, l’isolement c’est le fruit des frustrations. Le grog est le symbole de même que le joint car quand la société ne nous donne pas une place pour exister, on s’en crée une.
J’aimerais ajouter que la vie est piégée dans l’existence car tout ce qui existe est fragile : arbres, animaux, hommes. Tout ce qui existe tend à mourir. Mais la vie, si elle devait se libérer choisirait l’immortalité. Grog, c’est tout ça.
H. : Votre écriture dans Grog suit un procédé différent de la poésie classique qu’on lit d’habitude : pas de rimes, pas de titres, un seul texte fleuve de la première à la dernière page. Pourquoi ce procédé d’écriture ?
A. : Je suis très prosaïque, j’ai le mépris de la rime et du vers. Je pense que la prose véhicule mieux le message et c’est l’image qui est le plus important pour moi dans la poésie. Et puis le titre, pour moi il enlève de son sens au poème. Je préfère laisser au lecteur le soin de découvrir le texte et de lui donner un titre. Et aussi, j’écris sans ponctuation, à chaque majuscule correspond une idée nouvelle. Si j’ai des vers, ne sont pas longs car la poésie permettant de vivre plus rapidement, peu de mots symbolisent beaucoup. Par conséquent, trop de mots et de ponctuation alourdissent le texte.
H. : A quoi sert la poésie aujourd’hui ?
A. : Beaucoup pensent qu’on fait de la poésie juste pour plaire. Mais c’est aussi une arme pour lutter. Aujourd’hui, on peut toujours la redéfinir pour la rendre plus utile. De toute façon, c’est un outil universel qui sert à l’usage qu’on veut en faire. C’est pourquoi je ne juge pas un romantique ni un poète révolté, chacun peut faire ce qu’il veut.
Toutefois, dans le contexte haïtien, j’opte pour une poésie révolutionnaire même si beaucoup de textes sont sévèrement censurés à l’édition. D’ailleurs, on a tendance à regarder d’un mauvais œil les poètes révoltés. Mais peu importe, la poésie doit être utile à revendiquer et à dénoncer aujourd’hui.
Apollon, qui prévoit déjà une tournée littéraire dans le pays, nous informe que Grog est déjà disponible au prix de 11 euros sur la plateforme lulu.com (cliquez sur l'image de la page de couverture, en début d'article). Il sera bientôt disponible en Haïti.
En attendant, lisez-en la quatrième de couverture :
Je ressens
comme
une boule dans la gorge
un mal perpétuel
quand le monde est bombe à
retardement
entre trébuchement poétique et noyade
spirituelle
je résume que
la vie n’est qu’une victime de
l’existence
Voulez-vous prendre un grog ?
Jean-Elie François
Grog
RépondreSupprimerBon bagay, zanmitay
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