Quand les CASEC se casent : Le rôle des institutions étatiques, premier texte

Cher lecteur haïtien, je suppose que la lecture des lois de la République va secouer ta conscience citoyenne comme cela a été mon cas. C’est pourquoi j’ai décidé d’écrire une chronique sur les rôles de différentes instances étatiques en Haïti. Rejoins-moi pour la partager afin que d’autres citoyens puissent comprendre les enjeux du développement d’Haïti à l’heure actuelle.

Un état, dans la réflexion wébérienne, est une entité territoriale sur laquelle évolue une population soumise à l’autorité d’un gouvernement (Weber, 2003). A l’échelle mondiale, deux grands types d’états semblent prédominer : unitaire et fédéral. L’état unitaire est une forme très répandue de gouvernement dans le monde, c’est celui entre autres de la République d’Haïti.
Haïti est un état unitaire décentralisé, c’est-à-dire qu’elle est dirigée par un gouvernement qui concentre tous les pouvoirs constitutionnels et où des collectivités territoriales assurent la gouvernance de proximité. Ces collectivités territoriales n’ont pas de souveraineté, pas d’autonomie politique, mais une autonomie administrative, pouvoir qui leur est délégué par l’Etat, vu comme état central dépositaire de la souveraineté. La plus petite entité administrative de la République est la section communale (art. 2 de la loi portant sur l’organisation des collectivités territoriales de 1996, téléchargeable à ce lien : Loi portant sur l'organisation de la section communale ). L’alinéa 1 de l’article 2 confirme comme mentionné plus haut son « autonomie administrative et financière » avec toutefois des limites fixées par la loi.
Pour diriger cette instance, un CASEC (Conseil d’Administration de la Section Communale) et une ASEC (Assemblée de la Section Communale) sont prévus en l’article 5 du texte de loi de référence. Il faut reproduire ici l’article 6 : « L’Assemblée de la Section Communale délibère et décide sur tous les sujets d’intérêt local. Le Conseil d’Administration de la Section Communale (CASEC) exécute les décisions de l’Assemblée dans le respect de l’intérêt général et dans les limites des attributions prévues dans le cadre de la présente loi. » Quelles sont ces attributions ? Que sont-ils concrètement censés faire ? Dans cet article, nous nous pencherons surtout sur les CASEC, plus connus et le plus souvent formés dans la pratique.
A lire le texte de la loi, les attributions de l’ASEC sont d’ordres : financier, social, et politique. Elle est chargée par exemple de voter le budget de la section communale préparé par le CASEC, de recevoir et transmettre au CASEC les doléances en matière de droits humains, de désigner les représentants de la section communale à l’Assemblée Municipale.
Quant au CASEC, composé de trois membres élus pour quatre ans, il doit « gérer les intérêts de la section communale » selon l’article 19 de ladite loi. Cet article en fait aussi notamment le responsable de l’aménagement de ses infrastructures pour le bien-être des habitants de la section ; l’organisateur de formations civiques et d’éducation communautaire ; le garant de l’application des lois et le protecteur du citoyen ; et enfin un superviseur des projets gouvernementaux en termes d’adéquation au plan régional de développement et d’exécution réelle, avec pouvoir de rapporteur. Il faut à nouveau reproduire un article, l’article 21 « Le CASEC se réunit obligatoirement tous les huit (8) jours pour discuter des affaires et des projets de Développement de la Section Communale ou encore sur convocation de l’autorité de supervision ». Donc, un CASEC, dépositaire du pouvoir local est une instance régulière (ou qui est censée l’être) qui travaille constamment à remplir ses attributions. Notons la fréquence de ses réunions et l’écart avec celles de l’ASEC qui n’en a que quatre (4) par an.
Cette loi présentée, le lecteur se dit qu’il y a là matière à exiger des CASEC qu’ils travaillent effectivement comme le prévoit la loi. Ceci reviendrait à affirmer au moins une chose : que les CASEC ne font pas leur travail. Autrement dit, des individus font campagne, sont élus au conseil, et se casent dans l’inaction. Qu’en est-il du développement local dans ce cas ?
On peut définir le développement local comme « un processus de diversification et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire d’« échelle » locale à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources matérielles et immatérielles » (Santamaria, 2008). Selon Santamaria, c’est à la fois une posture face à la question du développement, une méthode pour le développement territorial au niveau local et un cadre d’analyse de ses ressorts. Expliquons par un exemple. La section communale de Petit-Howars (ou La Frange) à Bas-Limbé dont dépend l’ile Caramel
(voir le lien :Ile Caramel sur la page Facebook de l'Ambassade d'Haiti aux Bahamas) peut, dans le cadre de son processus de développement, mettre en valeur cette ressource de concert avec les collectivités et l’Etat central afin d’ajouter une source de revenus à la section. Car cet ilot peut attirer des touristes tout comme l’ile-a-rat (ou Amiga Island). Ce serait l’occasion de vendre une autre image d’une section communale peu connue et de créer de nouvelles sources d’emplois. D’autre part, avec la protection adéquate et de bonnes mesures environnementales, cet espace peut devenir un sanctuaire de la pêche. Pourquoi, à partir d’un mouvement partant des sections communales, cette grande baie de l’Acul ne planifierait pas l’aménagement d’un deuxième port touristique par exemple ? En effet, c’est pour cela que sont constituées les collectivités locales : pour permettre que le développement soit planifié au niveau le plus proche des populations avant de se retrouver dans un plan global qui sinon négligerait les spécificités et besoins locaux. Si les collectivités n’agissent pas, et particulièrement les CASEC, nous risquons deux choses : les promesses non tenues de l’Etat : (voir cet article de 2010 : L'axe Labadie-Acul-du-Nord et Citadelle progresse - Le Nouvelliste), et les plans globaux qui ne répondent pas à ses besoins spécifiques voire qui vont à l’encontre de ses orientations.

Pour conclure, je me dois d’émettre des réserves, d’admettre que je ne sois pas au courant de toutes les actions entreprises au niveau des conseils des sections communales, de dire que certains sont sans doute à pied d’œuvre. Mais quelle fraction représentent ceux-là parmi le total des CASEC en place ? L’état critique du pays en parle. Il est temps pour que les CASEC agissent et remplissent pleinement leurs fonctions.


Références


Santamaria, F. (2008, juin 28). Développement local. Retrieved juin 11, 2019, from Hypergéo: http://www.hypergeo.eu/spip.php?article424#
Weber, M. (2003). Le savant et le politique. (L. Découverte, Ed., & t. d. Colliot-Thélène, Trans.) Paris.














Jean-Elie François
Certifié en Environnement et Aménagement du Territoire
francoisjeanelie27@gmail.com

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