Michaëlle Jean : de grandes ambitions font une grande femme


Michaëlle Jean est née le 6 septembre 1957 à Port-au-Prince, elle est une femme d'État, diplomate, animatrice de télévision et journaliste canadienne. La même année de sa naissance, le régime dictatorial de « papa doc » a pris naissance, et avec, les tontons macoutes. Ce fut des journées de silence de plomb, d'exécutions publiques, de disparitions et d’arrestations arbitraires dit-elle. Elle se souvient encore du visage horriblement tuméfié de son père lorsqu’ils l’ont relâché après l’avoir torturé plusieurs jours durant : ses vêtements souillés de sang, le sien et celui d’un compagnon de cellule, mort dans ses bras. Michaëlle passe son enfance dans un quartier de la classe moyenne de Port-au-Prince où son père était directeur d’école et professeur de philosophie. Elle poursuit ses études à la maison car ses parents ne voulaient pas qu’elle fréquente l’école où elle devrait prêter serment d’allégeance au dictateur François Duvalier.   
Après la libération de son père de prison, ils ont couru se réfugier à l’ambassade de France, qui les a aussitôt transférés vers celle des Etats-Unis, laquelle a accepté d’exfiltrer l’homme, mais pas sa femme et ses enfants. Michaëlle avait 10 ans quand sa famille était obligée de fuir le pays, la dictature. Sa mère, sa sœur et elle ont donc dû vivre dans la clandestinité pendant un an, puis elles rejoignent son père et la famille s’installe à Thetford mines, une ville du Québec où son père enseigne au collège local. Plus tard, sa mère, sa sœur et elles ont déménagé à Montréal où elle vit depuis.
Michaëlle Jean a étudié à l'Université de Montréal, où elle a obtenu un baccalauréat en langues et littératures hispaniques et italiennes. Elle y poursuit ses études supérieures en vue d'une maîtrise en littérature comparée, y enseigne l'italien et gagne des bourses d'études qui lui permettent de faire plusieurs voyages en Italie pour étudier dans les universités de Pérouse, de Florence et de Milan. Elle parle couramment cinq langues (le français, l'anglais, l'italien, l'espagnol et le créole haïtien). Parallèlement à ses études, dès la vingtaine et pendant plus de dix ans, elle se bat au sein du mouvement des femmes au Québec contre la violence familiale, travaille dans des refuges pour femmes victimes de violences conjugales et coordonne une étude subventionnée par le gouvernement canadien sur les agressions sexuelles signalées par les femmes violentées par leur conjoint.
Le 27 septembre 2005 elle devient la 27e Gouverneure générale, Commandante en chef du Canada, assermentée pour un mandat de 5 ans. Dans la constitution canadienne, le gouverneur général représente la Couronne, la plus haute autorité, et assume de facto, hors de toute allégeance partisane, les responsabilités de chef d’État. « Quel signal puissant, pour le Canada et pour le monde, qu’une femme de descendance africaine, d’Haïti, arrivée au Canada avec sa famille en situation de réfugiés politiques, soit appelée à exercer une aussi haute fonction » confia-t-elle dans le fil de ma vie. « Briser les solitudes » est la devise qu’elle a choisie pour dire sa volonté d’unir les forces du pays, d’y établir des ponts entre les provinces et les territoires, de montrer qu’il est possible de faire tomber certaines barrières, de lever le voile sur les réalités qui isolent et qui divisent, de porter une attention toute particulière aux actions citoyennes, de valoriser l’apport essentiel des femmes et des jeunes. “J’ai su forger des liens solides et cultiver la confiance. Je crois fermement à une diplomatie politique, culturelle et à échelle humaine. ” déclare-t-elle confiante.
Dès la fin de son mandat, le 1er octobre 2010, les Nations unies ont immédiatement fait appel à elle, en qualité d’Envoyée spéciale de l’UNESCO, pour soutenir les efforts de reconstruction en Haïti, dévasté cette même année par le puissant séisme du 12 Janvier 2010 qui a fait des centaines de milliers de morts et de sinistrés. Elle devient aussi, dès 2012 et jusqu'en 2014, chancelière de l’Université d’Ottawa, la plus grande université bilingue (français et anglais) dans le monde et qui devient aussi partenaire de sa mission pour l’UNESCO en Haïti. ‘‘Je soutiens et j’amorce à ce titre des ententes de partenariat dans le cadre d’un programme spécifiquement destiné au rehaussement de la formation, de la professionnalisation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans les pays de la Francophonie’’, dit-elle.
Savoir d’où l’on vient et se situer dans le prolongement d’une histoire est essentiel, Michaëlle croit que sa vie est intimement liée au Sud et au Nord, à des terres de résistance, à l'héritage d'extraordinaires combats. Elle croit aussi que l’Afrique est en elle  ou encore lui « marche dans le sang » selon une expression créole. ‘‘C’est l’intensité de ce lien qui m’a décidée à entrer en campagne pour devenir secrétaire générale de la francophonie en 2014, parce que je sais que l’avenir de la langue française est en Afrique’’, explique-t-elle. A ce poste, tandis qu’elle était la première femme et la première canadienne, elle s’est consacrée tout entière à servir une communauté francophone toujours plus agissante, à contribuer par elle à la démocratie, aux droits et libertés, à un essor économique durable pour les collectivités et à rassembler les forces vives pour voir les hommes et les femmes avancer sur un même pied d’égalité et faire en sorte que les jeunes soient davantage engagés, entendus et inclus.
Durant son parcours, Michaëlle s’est battue pour porter ses valeurs, son histoire et ses ambitions avec elle. D’ailleurs elle a toujours assumé son devoir et ses responsabilités. Elle a toujours montré un amour sans égal pour l’Afrique et pour Haïti tout en défendant la cause des femmes.  Aujourd’hui, elle continue à porter la cause des noirs, à combattre le racisme et l’émancipation des femmes. Dans un tweet, elle affirme : « le souci des femmes n’est pas de surpasser les hommes, mais plus fiables, plus assidues, il est très fréquent qu’elles y parviennent. Les femmes exigent d’être incluses, respectées et reconnues à leur pleine valeur. » Obliger à fuir son pays, recommencer une vie dans un pays étranger, supporter les chocs d’une famille divisée, n’ont pas empêché pas Michaëlle de rêver, d’agir et de se battre pour atteindre une place au sommet. Les jeunes femmes de nos jours ont besoin de s’inspirer de ce modèle pour continuer à se battre et d’agir pour frayer leur propre chemin dans la société.



Bleuette Pierre
Étudiante finissante au en Psychologie au campus Henry Christophe de Limonade 
Directrice des ressources humaines à OEFE

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