Carnaval: Quand le bruit se fait silence...






Le carnaval est cette période de l'année où tout le monde devrait prendre plaisir à être ce qu'ils ne sont pas ; à se déguiser, être quelqu'un d'autre ne serait-ce que pour un petit moment. Pourtant, au fil des années, il devient plus un moment de déboires, où la plupart des gens se permettent plus à enlever leurs masques et à se laisser aller. Malheureusement, le spectacle que l'on observe n'est pas celui des couleurs vives des « bann apye » ou encore des « madigra » qui revêtent toutes sortes de d'habits, de masques bizarres à faire peur ou à faire rire, pour célébrer et festoyer. Ce n'est plus celui des chars bien décorés accompagnés ou dévancés par des défilés dans différents costumes, chacun, s'efforçant d'être plus original que d'autres. Non! C'est plutôt un spectacle de couleur dans l'esprit quand embrumé, on voit révélé le débâcle d'une jeunesse frustrée, en manque d'éducation pour ne pas me risquer à dire dépravée ; d'un peuple qui a perdu ses repères et qui se cherche; d'une nation qui se meurt à petit feu et qui saisit l'instant pour s'exprimer et se lâcher. 

Malgré la conjoncture et nos suffocations, c'est en masse et avec une joie non contenue, que la population accueille, chaque année, les festivités carnavalesques. Là, sur le parcours bondé du carnaval, on en voit de tout. Toutes ces personnes, jeunes adolescents ou/et adultes en quête d'une évasion, d'un défoulement et de plaisir. Qu'ils trouvèrent, à coup sûr, à travers la musique mais aussi dans l'alcool et la drogue. Ils étaient tous là. Se défoulant à leur manière, faisant fi de tous les jugements ; laissant tomber les masques qu'ils portent depuis trop longtemps. Mais, si on échappe aux critiques, on ne l'est pas de soi, encore moins des effets des substances ou du « vibe ».

Sur le parcours du carnaval, hormis la population à qui la période profite en jours de congé et qui en use pour se défouler, il y a les infatigables qui se doivent de travailler malgré tout. L'ordre et le chaos se côtoient au carnaval et la balance penche très rapidement d'un côté ou de l'autre. On n'a qu'à bien choisir et se mettre du bon côté. Et pour ceux qui malheureusement se sont laissés emporter par le vibe - quel qu'il soit-, la balance ne se redresse pas.

Tel est le cas de cet homme, qui, ayant commis, je ne sais quel délit, s'est retrouvé dans le collimateur des travailleurs de la soirée. -En l'occurrence, les représentants des forces de l'ordre-. Pour lui, plus de vibe, de plaisir, de défoulement, rien. Alors que tout autour, la musique battait son plein, la foule continuait sa route, le laissant à leur merci. Ce n'était plus que des coups de matraques, immobilisation au sol accompagnée de décharges électriques provenant d'un taser et de coups de pieds d'environ quatre agents pour finalement se faire passer des menottes. On aurait dit qu'ils lui ont déversé toute leur frustration, qu'ils se sont défoulés sur lui. Il faut bien admettre qu'il représente concrètement la raison de leur présence en tant que travailleurs et non pas festoyeurs.

Pour le restant de la nuit, il entendra peut-être la musique, mais de loin et le plaisir ne sera plus qu'une vague connaissance. Le lendemain, le soleil se présentera au rendez-vous mais il ne verra pas plus que ses rayons, filtrants à travers la fenêtre. -Si fenêtre, il y a-. Et le plaisir, la musique, l'ambiance ? Encore un jour et la vie reprendra son cours avec ses frustrations, son quotidien morne, ses regrets et surtout ses « si m te konnen… ». La joie et l'ambiance ne seront plus que souvenir ; le bruit assourdissant remplacé par un silence que ne viendra percer que la voix glacée d'un co-détenu frustré et malheureux, ruminant lui aussi, ses « si m te konnen… » ou « Pouki se mwen…? ».

 

Jenny-Flore Louis.

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