Dessalines : Notre père qui est sous terre
17 octobre 2018, Haïti.
212 ans après l’assassinat de l’empereur Jacques 1er. Un assassinat perpétré avec une lâcheté indicible, avec la complicité de hauts gradés de l’armée impériale, avides de privilèges et de pouvoir. C’est un impératif de tenir sa mémoire en vie afin qu’un jour le pays soit digne de lui, de notre père qui gît sous terre.
Son lieu de naissance est controversé mais nous retenons de plusieurs sources qu’il serait né à la Grande-Rivière du Nord, dans la localité de Cormiers (http://museeogierfombrun.org/2014/04/21/jean-jacques-dessalines/) le 20 septembre 1758 sur l’habitation du colon Henri Duclos. D’où il est connu initialement comme Jacques Duclos. Il aurait été élevé par sa tante Victoria Montou surnommé Grann Toya, une guerrière. On apprend qu’il fut acheté plus tard par un noir libre du nom de Dessalines ou Des Salines qui lui donna son nom (http://www.haiticulture.ch/Jean-Jacques_Dessalines.html). Dessalines fut indocile, et de fait on chercha à le soumettre. Il a porté sur son corps les traces de violences des commandeurs, marque de la barbarie du système esclavagiste. Jean-Jacques Dessalines, comme on le connaît par la suite, se joignit en 1791 au soulèvement des noirs aux côtés de Boukman, Jean-François, et Biassou. Il ne cessera de prendre des gallons. Proche de Toussaint dès 1792, celui-ci l’intègre dans les troupes françaises lors de son second revirement. Là, il est d’abord chef de bataillon, puis grenadier. Toussaint, général en chef, le nomma général de division en 1800 (http://museeogierfombrun.org/2014/04/21/jean-jacques-dessalines/). A la déportation de celui-ci, il reprend la lutte contre les français, abandonnée temporairement pour des motifs stratégiques. Proclamé général de l’Armée des Indigènes le 19 janvier 1803, il participe au congrès de l’Arcahaie le 18 mai 1803 et y prône l’union des noirs et des mulâtres. C’est là également qu’il fit le geste resté célèbre d’arracher la bande blanche du tricolore français et que Catherine Flon cousit ensemble les deux autres bandes rouge et bleu. Il vainquit Rochambeau dans la bataille finale de Vertières, bataille ou François Cappoix (Capois-la-mort) s’immortalisa par son héroïsme. Rochambeau n’eut alors d’autre choix que de quitter l’ile avec ce qu’il restait de l’armée expéditionnaire.
Nul n’ignore comment on assassina physiquement Dessalines. Un bref rappel cependant.
Couronné empereur le 08 octobre 1804 après avoir été gouverneur général, il mena une politique qui déplut en au moins deux points à ceux qui complotèrent contre lui : il ne créa pas de noblesse, il entreprit une politique agraire de grande propriété devant servir à la prospérité de la nation sans souci de servir les appétits individuels. Après une vérification des titres de propriété dans le Sud, il prit connaissance d’une révolte. Et lui de se lancer pour la mater, ne sachant pas que cela faisait partie d’un grand complot. Il fut assassiné au Pont Larnage, devenu Pont Rouge après que son sang y ait coulé. Récit triste et révoltant de la mort de l’empereur et de la première chute de la nation haïtienne.
Mais ce n’est là que l’assassinat physique de Jean-Jacques Dessalines.
Pendant longtemps, son nom fut banni et pris en horreur sur toute l’étendue du territoire. Il n’eut de sépulture qu’une fosse sur laquelle fut élevée avec l’inscription simple : ci-gît Dessalines, mort à 48 ans. Il faudra attendre Faustin Soulouque pour qu’il soit inhumé dans un tombeau. Plus d’un siècle après la mort de Jacques 1er, en 1910, l’inauguration de sa statue au Champs-de-Mars de Port-au-Prince lui rend hommage. Le mausolée à sa gloire et à celle d’Alexandre Pétion voit le jour en 1926 et l’hymne national d’Haïti, est nommé en son honneur La Dessalinienne. La littérature aussi l’honore. Citons le poème Dessalines d’Ignace Nau dans la première moitié du 19ème siècle, Mèsi papa Desalin de Félix Morisseau-Leroy en 1979 et L’Année Dessalines de Jean Météllus en 1986. Dessalines figure aussi sur le billet de 250 gourdes après avoir paru sur celui de 1 gourde dans le temps. Mais comment voit-on Dessalines aujourd’hui ? A cette question, répondons par un extrait de chanson de Emmanuel dit Manno Charlemagne : « …nos ancêtres étaient des bandits, c’est-ce qu’on leur apprend à l’école… » (Chanson titrée A mon Fils). Car c’est à l’école justement qu’on forme les jeunes haïtiens à détester le personnage Dessalines. Et pour parler d’école, parlons du lycée qui porte son nom dans l’avenue Christophe à Port-au-Prince. Il est en piteux état, sans une véritable cour de récréation, une salle de professeur ou une bibliothèque (http://www.lenational.org/jean-jacques-dessalines-une-memoire-qui-se-conjugue-en-p/). Comme pour confirmer ce vouloir de souiller la mémoire du Père de la Nation, son tombeau officiel au Champs-de-Mars est comme abandonné.
Voilà où en est réduit le personnage de Dessalines aujourd’hui, lui dont on ne célèbre pas officiellement la naissance.
Dessalines ne saurait donc être Notre père qui vit dans la nation mais bien Notre père qui est sous terre. Maintenant, il faut se poser la question suivante : « Quand voudrons-nous bien déterrer notre empereur ? ». Car il est bien nôtre, nous devons renouveler ce sentiment d’appartenance et de filiation. Déterrer Dessalines, sans récupération partisane, voilà l’un des défis contemporains.
Sources :
Jean-Elie François
212 ans après l’assassinat de l’empereur Jacques 1er. Un assassinat perpétré avec une lâcheté indicible, avec la complicité de hauts gradés de l’armée impériale, avides de privilèges et de pouvoir. C’est un impératif de tenir sa mémoire en vie afin qu’un jour le pays soit digne de lui, de notre père qui gît sous terre.
- Qui est Jacques 1er ?
Son lieu de naissance est controversé mais nous retenons de plusieurs sources qu’il serait né à la Grande-Rivière du Nord, dans la localité de Cormiers (http://museeogierfombrun.org/2014/04/21/jean-jacques-dessalines/) le 20 septembre 1758 sur l’habitation du colon Henri Duclos. D’où il est connu initialement comme Jacques Duclos. Il aurait été élevé par sa tante Victoria Montou surnommé Grann Toya, une guerrière. On apprend qu’il fut acheté plus tard par un noir libre du nom de Dessalines ou Des Salines qui lui donna son nom (http://www.haiticulture.ch/Jean-Jacques_Dessalines.html). Dessalines fut indocile, et de fait on chercha à le soumettre. Il a porté sur son corps les traces de violences des commandeurs, marque de la barbarie du système esclavagiste. Jean-Jacques Dessalines, comme on le connaît par la suite, se joignit en 1791 au soulèvement des noirs aux côtés de Boukman, Jean-François, et Biassou. Il ne cessera de prendre des gallons. Proche de Toussaint dès 1792, celui-ci l’intègre dans les troupes françaises lors de son second revirement. Là, il est d’abord chef de bataillon, puis grenadier. Toussaint, général en chef, le nomma général de division en 1800 (http://museeogierfombrun.org/2014/04/21/jean-jacques-dessalines/). A la déportation de celui-ci, il reprend la lutte contre les français, abandonnée temporairement pour des motifs stratégiques. Proclamé général de l’Armée des Indigènes le 19 janvier 1803, il participe au congrès de l’Arcahaie le 18 mai 1803 et y prône l’union des noirs et des mulâtres. C’est là également qu’il fit le geste resté célèbre d’arracher la bande blanche du tricolore français et que Catherine Flon cousit ensemble les deux autres bandes rouge et bleu. Il vainquit Rochambeau dans la bataille finale de Vertières, bataille ou François Cappoix (Capois-la-mort) s’immortalisa par son héroïsme. Rochambeau n’eut alors d’autre choix que de quitter l’ile avec ce qu’il restait de l’armée expéditionnaire.
- Dessalines aujourd’hui
Nul n’ignore comment on assassina physiquement Dessalines. Un bref rappel cependant.
Couronné empereur le 08 octobre 1804 après avoir été gouverneur général, il mena une politique qui déplut en au moins deux points à ceux qui complotèrent contre lui : il ne créa pas de noblesse, il entreprit une politique agraire de grande propriété devant servir à la prospérité de la nation sans souci de servir les appétits individuels. Après une vérification des titres de propriété dans le Sud, il prit connaissance d’une révolte. Et lui de se lancer pour la mater, ne sachant pas que cela faisait partie d’un grand complot. Il fut assassiné au Pont Larnage, devenu Pont Rouge après que son sang y ait coulé. Récit triste et révoltant de la mort de l’empereur et de la première chute de la nation haïtienne.
Mais ce n’est là que l’assassinat physique de Jean-Jacques Dessalines.
Pendant longtemps, son nom fut banni et pris en horreur sur toute l’étendue du territoire. Il n’eut de sépulture qu’une fosse sur laquelle fut élevée avec l’inscription simple : ci-gît Dessalines, mort à 48 ans. Il faudra attendre Faustin Soulouque pour qu’il soit inhumé dans un tombeau. Plus d’un siècle après la mort de Jacques 1er, en 1910, l’inauguration de sa statue au Champs-de-Mars de Port-au-Prince lui rend hommage. Le mausolée à sa gloire et à celle d’Alexandre Pétion voit le jour en 1926 et l’hymne national d’Haïti, est nommé en son honneur La Dessalinienne. La littérature aussi l’honore. Citons le poème Dessalines d’Ignace Nau dans la première moitié du 19ème siècle, Mèsi papa Desalin de Félix Morisseau-Leroy en 1979 et L’Année Dessalines de Jean Météllus en 1986. Dessalines figure aussi sur le billet de 250 gourdes après avoir paru sur celui de 1 gourde dans le temps. Mais comment voit-on Dessalines aujourd’hui ? A cette question, répondons par un extrait de chanson de Emmanuel dit Manno Charlemagne : « …nos ancêtres étaient des bandits, c’est-ce qu’on leur apprend à l’école… » (Chanson titrée A mon Fils). Car c’est à l’école justement qu’on forme les jeunes haïtiens à détester le personnage Dessalines. Et pour parler d’école, parlons du lycée qui porte son nom dans l’avenue Christophe à Port-au-Prince. Il est en piteux état, sans une véritable cour de récréation, une salle de professeur ou une bibliothèque (http://www.lenational.org/jean-jacques-dessalines-une-memoire-qui-se-conjugue-en-p/). Comme pour confirmer ce vouloir de souiller la mémoire du Père de la Nation, son tombeau officiel au Champs-de-Mars est comme abandonné.
Voilà où en est réduit le personnage de Dessalines aujourd’hui, lui dont on ne célèbre pas officiellement la naissance.
Dessalines ne saurait donc être Notre père qui vit dans la nation mais bien Notre père qui est sous terre. Maintenant, il faut se poser la question suivante : « Quand voudrons-nous bien déterrer notre empereur ? ». Car il est bien nôtre, nous devons renouveler ce sentiment d’appartenance et de filiation. Déterrer Dessalines, sans récupération partisane, voilà l’un des défis contemporains.
Sources :
- http://museeogierfombrun.org/2014/04/21/jean-jacques-dessalines/
- http://www.haiticulture.ch/Jean-Jacques_Dessalines.html
- http://www.lenational.org/jean-jacques-dessalines-une-memoire-qui-se-conjugue-en-p/
- Cyril Lionel Robert James, 1984, Les Jacobins Noirs : Toussaint Louverture et la révolution de Saint-Domingue, Editions Caribéennes, Paris.
Jean-Elie François
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