Pourquoi faut-il relire Gouverneurs de la Rosée et Compère Général Soleil en 2023, à l'aube d'un conflit haïtiano-dominicain ?
Lorsque nous observons les relations tendues entre la République dominicaine et Haïti au sujet de la construction d'un canal par les paysans haïtiens pour irriguer leurs terres depuis la Rivière Massacre, il est difficile de ne pas penser aux œuvres littéraires qui ont profondément exploré les thèmes de la solidarité, de la résilience et de la lutte pour la justice sociale dans la réalité haïtienne. Deux œuvres en particulier, "Gouverneurs de la Rosée" de Jacques Roumain et "Compère General Soleil" de Jacques Stephen Alexis, méritent une relecture attentive en 2023, car elles offrent des perspectives riches et nuancées sur les enjeux actuels du conflit haïtiano-dominicain. De plus, plusieurs similitudes entre les personnages des romans et des personnages réels nous invitent à approfondir cette comparaison.
Dans "Compère General Soleil", Jacques Stephen Alexis explore la complexité des relations entre Haïti et la République dominicaine à travers le personnage d’Hilarion Hilarius. Ce roman raconte l'histoire d'un haïtien qui se rend en République dominicaine pour y trouver du travail, mais qui finit par devenir un symbole de la lutte des travailleurs immigrés haïtiens contre l'exploitation et l'injustice. Compère Général Soleil incarne la résistance et la dignité du peuple haïtien face à l'adversité. Aujourd’hui, les tensions à la frontière des deux pays ravivent tant de souvenirs douloureux tout comme ce pan d’histoire raconté par ce brillant écrivain.
Le roman met en lumière la manière dont les Haïtiens sont souvent exploités en République dominicaine, tout en soulignant leur détermination à se battre pour leurs droits. La construction de ce canal vers la Rivière Massacre, lieu où les soldats dominicains ont massacrés plus de 30 000 haïtiens sous ordre du dictateur Rafael Trujillo en 1937, nous rappelle l'importance de défendre la dignité des travailleurs haïtiens et de lutter contre l'exploitation comme dans "Compère Général Soleil".
D'un autre côté, "Gouverneurs de la Rosée" de Jacques Roumain offre une vision de l'union et de la solidarité au sein de la communauté haïtienne. Le roman raconte l'histoire de Manuel, un paysan haïtien qui revient dans son village après des années d'absence pour aider sa communauté à surmonter la sécheresse en voulant trouver de l’eau par-delà les montagnes afin de la ramener dans les plantations. Le récit met en avant l'idée que l'union fait la force et que les habitants d'un village peuvent surmonter les défis grâce à leur solidarité. Aujourd’hui encore, comme raconté dans le roman, c’est un combat pour ramener l’eau dans les jardins, symbole de la vie et de l’abondance. À la manière des discours de Manuel, les haïtiens de partout se mobilisent comme dans les “Konbit” de la campagne pour achever la construction de ce canal malgré l’opposition radicale du président dominicain. En effet, celui-ci a même ordonné la fermeture entière et totale des frontières dominicaines avec Haïti si la construction n’est pas suspendue.
Extrait du téléfilm Gouverneur de la rosée réalisé par Maurice Failevic en 1975
Alors que le conflit diplomatique entre Haïti et la République dominicaine prend de l'ampleur, "Gouverneurs de la Rosée" nous rappelle l'importance de travailler ensemble pour résoudre les problèmes communs. Les paysans haïtiens construisent un canal pour irriguer leurs terres, un projet qui aurait pu bénéficier à l'ensemble de la région si une coopération transfrontalière avait été encouragée.
En relisant ces deux œuvres littéraires en 2023, nous sommes invités à réfléchir aux valeurs de solidarité nationale, de dignité et de justice sociale qui sont essentielles pour reconstruire ce pays abandonné depuis longtemps non seulement par ses dirigeants mais aussi par ces filles et ces fils disséminés un peu partout à travers le monde. Ces romans nous rappellent que la littérature peut être un miroir de la réalité et un guide pour trouver des solutions justes et durables aux conflits qui divisent nos sociétés.
Jean Reynald Saint-Hubert
C'est avec un grand intérêt que j’ai lu cet article invitant les Haïtiens, surtout les jeunes, à lire pour certains, relire pour d’autres, les romans cités. C’est une invitation parfaite traduisant l’idée que la délivrance du peuple doit être initiée et exécutée par le peuple, surtout après le constat de l’insouciance des dirigeants haïtiens et la pression venant de la RD.
RépondreSupprimerL'union des Haïtiens pour trouver de l'eau pour rendre opérationnel son agriculture, combattant à la fois l’oppression de ses dirigeants et la violence des pays étrangers, particulièrement de la RD, tout en subissant l’émigration des jeunes vers les EU, mérite d’être louée. Il faut rappeler que si les Haïtiens souhaitent bénéficier grandement de cet acte bienfaiteur, rebeller contre les décisions injustes et poser des actions traduisant sa volonté de progresser, l’union doit être réellement consolidée par un acte. Et tout contrevenant au contenu de ce contrat sera considéré comme traître, et ignoré de tous.
Sincèrement, je tiens à saluer l'initiative courageuse de ces paysans haïtiens, qui s'efforcent de résoudre des problèmes cruciaux liés à l'eau et à la sécurité de leur communauté, acte de survie, certes, mais prouvant que le patriotisme haïtien est encore présent.
Les paysans haïtiens du Nord-Est, en particulier ceux qui vivent près de la frontière avec la République dominicaine, qui sont confrontés à des défis immenses, notamment l'accès limité à l'eau pour arroser leurs jardins et la violence potentiellement liée aux tensions frontalières. Il est admirable de voir comment ces communautés se rassemblent pour chercher des solutions à ces problèmes pressants, acceptant la fermeture du marché de Dajabon.
Un grand merci aux autres communes et départements participant au projet populaire.
Comme tu l’as dit, Jean Reynald, c’est un exemple remarquable de résilience et de solidarité.
La recherche de l'eau est une quête fondamentale pour la survie humaine, et personne ni aucun peuple ne doit être contraint de vivre dans la misère, sans chercher à solutionner ses problèmes pour satisfaire le désir malveillant d’un groupe ou d’un pays. Tant que les Haïtiens ne nuisent pas aux lignes frontalières, ils devaient pouvoir accomplir leur tâche avec quiétude. Il est désolant de constater que dans de nombreuses régions d'Haïti, les jardins meurent par manque d’eau alors que le Massacre est à notre disposition.
J'espère que cette action inspirante atteindra un public plus large et encouragera d'autres communautés à suivre l'exemple de ces paysans haïtiens de Ouanaminthe. Elle rappelle que, même dans les circonstances les plus difficiles, l'union et la recherche de solutions collectives peuvent apporter l'espoir et le changement.
Merci pour l’article !
Toutes mes félicitations St-Hubert! Considérant le déficit cervical et citoyen de l'homme haïtien, ces textes montrent une fois de plus le déficit de l'enseignement de la litterature dans le pays. Il en est de même pour l'effort dans le mal ou encore ainsi parla l"oncle et la vocation de l'élite. Pour ce qui est de l'actualité, je ne sais pas on est dans l'émotion, le patriotisme ou la diversoin. J'observe envore avant d'opiner.
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