Pointé du doigt: À la rencontre du poète Jean-Richardly Pierre
On ne se rend pas souvent compte des enjeux qui marquent l’art de notre époque.
Bon nombre de jeunes talentueux ne se sentent pas légitimes dans leur art. Qu’il s’agisse des arts médiatiques comme la photographie ou le cinéma. La littérature. Les arts visuels comme le dessin ou la peinture. La musique, la danse ou autres…
Suite à notre dernier article, nous avons reçu de nombreux messages - de jeunes principalement- qui nous confient se sentir illégitime d’être appelé auteur, photographe, peintre ou artiste parce qu’ils ne l’ont pas appris à l’école.
“ c’est ma passion, mais je ne me considèrerais jamais comme une écrivaine parce que je n’ai pas fait de grandes études de lettres pour apprendre à écrire un roman” nous avoue une jeune femme de vingt-six ans.
C’est triste d’imaginer que quelqu’un de si talentueux puisse se cacher sous prétexte qu’elle n’est pas la nouvelle Virginie Sampeur ou Ketly Mars.
On a souvent tendance à penser que tout a déjà été dit, que tout a déjà été fait de façon magistrale et magnifique.
Quand on voit tous les chefs-d’œuvres qui ont été réalisés par les anciens, on se dit qu’on ne peut pas faire mieux et on s’écrase. Mais, on a tort.
La littérature haïtienne n’a pas besoin d’une version 2.0 de Justin Lhérisson. Elle a besoin de vous, auteurs contemporains.
Écrire, c’est avant tout une envie personnelle. Elle ne regarde que vous. Elle n’a pas à souffrir du regard des autres et, doit s’affranchir de toutes craintes de légitimité ou de jugement.
La plupart de nous, écrit pour exister parce qu’à travers les mots, on sent qu’on peut faire partie de ce monde si complexe mais si beau à la fois.
On écrit parce que c’est notre évidence.
Notre passion.
Notre vie.
On écrit tout simplement parce qu’on ne peut pas s’en empêcher.
C’est ancré en nous pour toujours.
Votre passion quelle qu’elle soit doit s’affranchir de toutes craintes de légitimité.
Les arts sont définies comme une forme représentative du vivant. Ils font partie du ressenti et de la subjectivité.
Ce qui rend votre art unique c’est VOUS. Quel qu’il soit.
Nous n’aurions pas pu envisager d’écrire un article sur l’auteur du jour s’il n’avait pas réussi à s’affranchir du jugement des autres. S’il n’avait pas eu le courage de sortir de sa zone de confort pour présenter ses œuvres au monde. Nous éperons que son parcours saura inspirer d’autres jeunes qui n’osent pas prendre des risques.
Parce que le plus gros risque dans cette vie, c’est de ne pas en prendre.
- Pouvez-vous vous présenter ? Dites-nous ce que vous faites dans la vie.
Je m’appelle Jean-Richardly PIERRE, j’ai 33 ans et je suis né à Ouanaminthe. Je suis écrivain-poète et éditeur.
J’ai publié mon premier livre, un recueil de poèmes, à l’âge de 27 ans. Mais, c’est seulement après la sortie de mon quatrième livre que j’ai commencé à m’affirmer en tant qu’écrivain.
Ma dernière parution, “Une nuit à Istanbul”, un recueil de poèmes, vient tout juste de paraître aux Éditions Varella, dont je suis l’éditeur en chef. Il est disponible en librairie et également sur Amazon.
Ma plus grande passion dans la vie c’est, la littérature. J’adore la poésie contemporaine.
J’aime également le jazz. Je suis un grand fan de blues et de musiques traditionnelles et classiques. J’adore le son de la trompette du légendaire Louis Armstrong.
D’habitude, je commence ma journée avec les symphonies de Beethoven et je m’endors le soir sur les airs de la flûte enchantée de Mozart.
- Quel est le déclic qui vous a fait tomber amoureux de la littérature? Qu’est-ce qui vous a donné le goût d’écrire?
Mon père m’a transmis le goût de l’écriture et de la lecture. Il est un professeur retraité. Donc, il y avait toujours des livres à la maison. Mais, j’ai vraiment commencé à écrire à 17 ans. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. J’étais encore à l’école, le directeur passait de classe en classe pour motiver les élèves à contribuer au journal scolaire. Il n’avait pas fini d’expliquer le concept que j’avais déjà terminer mon premier vrai poème. Poème acclamé par toute l’école ensuite. C’est à partir de ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais un talent pour les mots. Un talent que j’exploite encore aujourd’hui.
- En 6 ans, vous avez publié 4 ouvrages. Dites-nous, lisez-vous autant que vous écrivez ?
Oui. J’adore lire. J’écris autant que je lise. Mais, je suis très sélectif quand il s’agit de livre. Je les considère comme des médicaments. Un mauvais livre peut empoisonner le cerveau. Mes préférés sont les livres de développement personnel. Je connais les oeuvres de certains auteurs sur le bout des doigts. Comme Stephen Covey, Robert T. Kiyosaki, Elisabeth Gilbery, Napoleon Hill ou Daniel Kahneman.
- Vous n’aimez donc pas la fiction ? Cette dernière est une échappatoire au réel. Une façon de vivre des centaines de vies à la fois. Comment est-ce possible?
Non, je n’aime pas la fiction. Je ne veux surtout pas d’échappatoire au réel. Je préfère rester dans la réalité.
- Vous êtes directeur de la maison d’édition Varella. Qu’est-ce que cette nouvelle responsabilité a changé dans votre vie? Préférez-vous être éditeur plutôt qu’auteur ?
Oui. Je suis le directeur et le co-fondateur des Éditions Varella.
J’adore être éditeur. C’est comme être de l’autre côté. On ne se rend pas souvent compte de tout le travail éditorial qu’il y a derrière un livre. Mais, j’adore ça. J’adore les échanges avec mes auteurs, la relecture des manuscrits et la distribution mondiale des livres. À noter que nous sommes la seule maison d’édition haïtienne qui distribue nos livres à l’échelle internationale. Un livre mal distribué est un livre mort. Et c’est là que Varella fait toute la différence.
Je prend aussi du plaisir à chaque publication en faisant du rêve d’un auteur une réalité. Entre être auteur et éditeur, je préfère de loin le métier d’éditeur.
- Est-ce que vos responsabilités d’éditeur en chef de la maison d’édition Varella ont ralenti vos envies d’écrire?
Pas du tout. Je n’écris pas quotidiennement. Mais quand j’ai un projet d’écriture - roman, récit ou poésie- je vous garantis que je trouve bien le moyen de le terminer. Le métier d’éditeur n’empiète en aucun cas sur ma passion première qui est l’écriture.
- Si vous n’étiez pas écrivain, quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?
J’exerce déjà un autre métier que j’aime, l’informatique. Je suis également web designer.
- Quels sont vos projets d’avenir?
« Chen an fè rèv li rete nan kè l ». J’ai beaucoup de projets en perspective. À trop y penser, je perd souvent le sommeil. D’ailleurs, en ce moment, je travaille sur un grand projet qui va être bénéfique pour la communauté ouanaminthaise. Ce sera ma façon à moi de faire quelque chose d’utile pour la ville qui a fait de moi celui que je suis aujourd’hui.
En tant qu’auteur mais également éditeur, quels conseils donneriez vous aux jeunes auteurs qui vous lisent?
En tant qu’éditeur, je leur dirais de réfléchir à deux fois avant de choisir une maison d’édition pour publier leurs livres. Mais aussi qu’il faut soigner les manuscrits avant de les envoyer à une maison d’édition.
En tant qu’auteur, je conseillerai aux jeunes d’aller jusqu’au bout de leurs projets d’écriture.
Même si nous avons des espoirs
Et des rêves pleins la tête
Demain n’est qu’illusion
L’avenir n’est que mirage.
(extrait d’un des poèmes de l’auteur )
À travers ces mots, l’écrivain-poète ouanaminthais de 33 ans, met l’accent sur la fragilité de l’existence. Conseillant à chacun de vivre l’instant présent. De chérir la présence d’un être cher, de partager l’amour et l’espoir tant qu’il est encore tant et d’être une lumière au milieu de ces ténèbres qui nous enserrent.
Jean-Richardly Pierre a déjà publié 4 ouvrages littéraires dont 2 recueils de poèmes, un récit littéraire et co-écrit un livre biographique sur l’animateur star, Guy Webern Guerrier.
Les douleurs de l’imperfection, 2017, Édilivre
L’incontournable Guy Wewe, 2019, B Editions
L’art de survivre en Haïti, 2021, Éditions Milot
Une nuit à Istanbul, 2023, paru aux Éditions Varella
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